Dès son plus jeune âge, son père, professeur tyrannique, l'oblige à chanter et lui inflige une discipline de fer. Elle s'exécute en vocalises pendant de longues heures, ne se nourrit que d'aliments sensés être bons pour sa voix, ne fréquente pas les autres enfants de son âge et monte sur scène alors qu'elle n'a que six ans pour chanter dans Agnese de Ferdinando Paër (1771-1839).
Son père la trimballe comme un trophée, sa petite fille prodige promet de devenir une voix prestigieuse. Si bien qu'en 1825, elle atteint la perfection et fait de véritables débuts à Londres dans Le Barbier de Séville.
Son père la prend ensuite en tournée avec lui pour un tour de chant aux Amériques. Elle y campe à nouveau le rôle de Rosine à New York. C'est là que la belle fait la connaissance d'Eugène Malibran, un Français qui la demande en mariage.
Elle accepte sur-le-champ, comprenant bien que par cette union inespérée, elle échappera au contrôle de son père.
Évidemment, ce mariage salvateur se brise quelques années plus tard et la diva épouse enfin son amant le violoniste et compositeur belge Charles-Auguste de Bériot (1802-1870). Maria-Félicia conservera toutefois le nom de Malibran ou La Malibran puisque le public l'a consacrée sous ce nom.
Mezzo-soprano à la voix sublime, Maria se dévoue entièrement à son public qui l'adule. On dit de sa voix "qu'elle partait du sol grave du contralto et s'élevait jusqu'au mi suraigu [sol2 -mi5]". Trois octaves de nuances et un jeu qui passe du pathétique à l'énergie frivole en un dixième de seconde… Un don que l'on qualifie à l'époque de presque surhumain.
On décrit encore cette voix unique comme vibrante et pleine de vigueur, mais aussi onctueuse et veloutée, une voix divine pour les scènes d'amour, une voix qui flatte et caresse avant de s'enflammer et d'atteindre des sommets d'émotion et de puissance.
Elle devient rapidement, grâce à son jeu d'actrice née et à son registre vocal extraordinaire, la Prima donna assoluta de son époque.
Assez audacieuse et fantasque pour affronter son père et chanter Otello, rôle qu'il a lui-même tenu et porté aux nues, révélant ainsi la richesse de sa voix et la trempe de son caractère, la superbe Maria triomphe, alternant tour à tour les multiples personnages des opéras qu'elle chante avec brio : Otello, bien sûr, mais aussi Iago et Desdémone ; Tancrède, Sémiramis et Rosina ; les personnages de Bellini (1801-1835), de Beethoven (1770-1827), de Donizetti (1797-1848), etc.
Talentueuse certes, mais ô combien séduisante, charmante, agréable… Tant et si bien qu'à l'époque où les rivalités de scènes sont violentes, elle entretient une amicale compétition avec la cantatrice allemande Henriette Sontag (1805-1854) qui fut aussi la maîtresse de Bériot.
Une générosité que l'on soulignera souvent en évoquant la splendeur de cette héroïne romanesque qui se fait également connaître pour son indépendance et son goût de la liberté.