L'armistice du 22 juin 1940, signé par le gouvernement du maréchal Philippe Pétain (1856-1951) au profit du Troisième Reich permet aux troupes de ce dernier d'occuper une partie du territoire français. Désormais la France est divisée en deux zones : la zone occupée (le Nord, l'Ouest et l'Est) et la zone libre (le Sud). Le Régime de Vichy est instauré, toujours sous la férule de Pétain, et les ententes de collaboration entre certains locaux et les nazis sont désormais quotidiennes.
Les Français vivent alors une sombre période les réduisant à de nombreuses privations et contraintes : pénurie alimentaire, servitude aux Allemands, peur des dénonciations, dépossessions de biens, rafles de juifs, agressions de la part des soldats allemands, etc. Mais les Français sont aussi des Gaulois, et tout bon Gaulois ne peut couler dans le désespoir sans réagir.
Certes, il n'existe plus de bardes pour composer des œuvres lyriques racontant la tristesse du peuple, mais la France regorge alors d'artistes dynamiques qui vont résister contre l'ennemi à leur façon.
À l'époque, les Français connaissent déjà Radio Paris, fondée depuis 1922. Toutefois, la radio parisienne passée sous la tutelle du Troisième Reich, elle est devenue un outil de propagande nazie, donc boudée par la population résistante. C'est la radio BBC de Londres qui diffuse donc pour les Français la musique et les chansons qui leur chauffent le cœur et les nourrissent d'espoir.
Une chanson marque d'ailleurs l'époque et résume à elle seule l'importance de la chanson dans les mœurs du peuple français, et aussi dans la constance de son courage aux moments les plus dramatiques de son histoire. La pièce, composée au Brésil en 1941 par Edgard Liger-Bélair, est interprétée par Marie Dubas (1894-1972) : "Notre chanson c'est notre histoire / D'aussi loin que nous existons. / C'est notre drapeau, notre gloire / Depuis Roland, Berthe et Magloire, / Charlemagne et les fils Aymon. / Qu'auraient fait en 1916, / Nos poilus sans la Madelon ? / Qu'auraient fait, sous Napoléon, / Les grognards sans la Marseillaise ? / Et vive, et vole, et vive la chanson / Et vive la chanson française !"
Messagère privilégiée, la chanson devient rapidement un véhicule parfait pour attiser le sentiment de résistance français et pour alimenter le peuple d'une solidarité farouche. La chanson de variété devient aussi l'échappatoire idéale pour des millions d'individus contraints à la soumission. Charles Trenet (1913-2001) et Maurice Chevalier (1888-1972) sont deux figures majeures de ce mouvement de résistance par la chanson, malgré le fait que Chevalier sera plus tard taxé de collaboration après avoir chanté en 1943 pour "les p'tits gars du front" de Tunisie, donc pour les troupes vichystes alliées des Allemands.
Alors que Trenet chante "Espoir" (1941) et "Douce France" (1943), Chevalier fait ses tours de chant avec des pièces comme "Ça fait d'excellents Français" (1939) ou "La Marche de Ménilmontant" (1941). Artisans d'une onde de solidarité qui circulera dans toute la France, les deux célèbres chanteurs se produiront partout où ils seront accueillis pendant l'Occupation.