Pour les âmes poétiques, ces sérails évoquent les plaisirs raffinés, la quintessence de l'amour, la pluralité culturelle dans un monde fabuleux. Pour les plus réalistes, ces bordels royaux sont des geôles dorées dans lesquelles on enferme des centaines, parfois même des milliers, de femmes dans le but de concevoir une lignée d'héritiers au titre.
Bien qu'une certaine forme de gynécée ait existé depuis l'Égypte ancienne, c'est dans l'Empire ottoman que les harems tels qu'on les décrit dans la plupart des récits historiques connaissent leur apogée. Ils sont régis par des règles strictes et gouvernés par un personnel de confiance.
Dès le règne de Soliman le Magnifique (v.1494-1566), le harem devient un théâtre politique de la plus haute importance. Le harem est alors si bien structuré qu'il fait figure de société autonome, une sorte d'État dans l'État.
Il faut toutefois souligner que c'est grâce à l'influence de son épouse officielle, Hürrem (v.1500-1558), que le sérail se dote d'autant de pouvoir. Sans doute une esclave ukrainienne, fille d'un prêtre orthodoxe, capturée par des Tatars lors d'une attaque en Galicie, elle se nomme véritablement Anastasia Lisovska, ou encore Roxelane, et sa beauté lui vaut d'être amenée à Istanbul pour faire partie du sérail du sultan.
Rapidement, elle devient la protégée de l'eunuque responsable du harem ainsi que de la mère du sultan. De là, il n'y a qu'un pas à faire pour qu'elle prenne le chemin de la couche royale.
Soliman la remarque, en fait sa maîtresse, puis sa favorite et enfin son épouse légitime. À partir de ce moment, le harem se transforme et s'instaure, pour plus de quinze décennies, un règne de femmes qui influencera la politique de l'Empire ottoman.
Le harem est désormais le lieu d'une lutte intense pour le pouvoir. Chaque concubine veut alors s'attirer les bonnes grâces de la Validé Soultane. la mère du sultan, qui se situe au sommet de la hiérarchie. Son règne est toutefois tributaire de la position de son fils.
À la mort de celui-ci, elle est automatiquement bannie du harem. On comprend ainsi facilement le rêve des concubines de voir leur fils accéder au sultanat, car la place de Validé Soultana procure un pouvoir considérable à la femme qui en possède le titre. Elle peut protéger à sa guise les concubines qu'elle préfère et précipiter la chute de celles qu'elle déteste.
Ainsi, il n'est pas rare qu'on lui fasse une cour exaltée, qu'on se livre à toutes les finesses du monde pour lui plaire, qu'on l'adule de mille et une façons pour s'attirer ses faveurs.
Le harem est également le fief du Grand Eunuque et il vaut mieux également ne pas déplaire à ce gardien de la virginité féminine. Troisième personnage en importance après le sultan et le Grand vizir, le Grand Eunuque est chargé de maintenir l'ordre et l'harmonie dans le gynécée.
On imagine aisément le climat de tension qui peut exister dans pareille prison, toute dorée soit-elle, lorsque l'on sait que chaque femme ne doit sa vie, et celle de ses enfants, qu'à son sens de la ruse ou de la flagornerie.
Or le Grand Eunuque veille au grain, car souvent épouses et concubines s'affrontent dans des combats sanglants pour sauver leur fils d'une mort certaine ou simplement pour rester en vie elle-même.