Pour imposer une discipline rigide et inspirer le respect général, on choisit le Grand Eunuque parmi les esclaves noirs, d'abord parce que la couleur de sa peau le rend menaçant et aussi parce que les esclaves musulmans ne peuvent être castrés.
Il faut savoir que les titulaires de cette charge sont des hommes d'une résistance physique exceptionnelle puisque 90 % des candidats meurent au moment de la castration des suites de complications multiples. Le Grand Eunuque mérite donc largement sa place ainsi que la diversité de ses tâches. C'est lui que l'on charge de transmettre les messages entre le palais royal et le harem.
Il est également responsable de l'éducation des héritiers mâles du sultan.
Il leur apprend les arts et la culture, les suit dans leur évolution et s'occupe de mettre à la disposition de leurs ardeurs masculines un cheptel de femmes stériles. Homme d'honneur, entièrement dévoué à son souverain, le Grand Eunuque représente, dans l'imaginaire collectif, une figure empreinte de force et de sagesse, l'inconditionnel remède à tous les maux qu'engendre la proximité de toutes ces femmes entre elles.
Dans ces palais prisons où se côtoient tant de femmes, seules quatre d'entre elles ont généralement l'honneur d'être épouses officielles du sultan. La première épouse (Bas Kadin Efendi), et mère de l'héritier en titre, est la plus respectée entre toutes. Viennent ensuite les secondes épouses (Kadin Efendi), mères des héritiers présomptifs, qui vivent recluses.
Si leur fils meurt, elles se retrouvent exclues du harem. Si le sultan meurt, elles ne bénéficient pas du droit de se remarier.
Le sort de ces femmes n'est certainement pas enviable. Vaut-il mieux alors se trouver dans la position de la troisième catégorie d'épouses (Haseki Kadin) et ne donner naissance qu'à des filles. Plus chanceuses que les précédentes, ces mères d'enfants femelles n'ont pas à craindre le sort de leur fils et peuvent se remarier à la mort du sultan ; un petit détail fort appréciable à cette époque !
Toutes les autres femmes du harem (les concubines, les remarquées, les diplômées de l'école du harem, les élèves de l'école du harem et les servantes) sont des esclaves non musulmanes puisque ces dernières ne peuvent être réduites à l'esclavage. Parmi ces soumises, c'est la trésorière du harem (Bas Hazinedar Usta) qui occupe la plus haute fonction.
Elle administre entièrement le budget du harem, ce qui lui vaut d'être traité avec égards et respect puisqu'elle joue un grand rôle dans l'organisation quotidienne du sérail.
Suivant la position qu'elle occupe dans le harem, la femme vit donc une captivité plus ou moins heureuse.
Loin du fantasme littéraire occidental, loin de l'idéalisation hollywoodienne, les concubines, toujours en danger de mort, n'ont plus qu'une seule ambition : jouer le tout pour le tout et gravir les échelons menant à la couche royale, quitte à mourir. De toute façon, qu'ont-elles à perdre ?
Il est étrange de constater combien l'homme d'Occident a affabulé le gynécée, n'y voyant que des femmes lascives et offertes aux moindres désirs du sultan alors que la réalité de ces prisonnières n'était que violences et intrigues meurtrières.
Mais il reste encore plus inquiétant de constater que malgré les témoignages de femmes ayant échappé à ces mondes clos, la plupart des hommes occidentaux continuent de voir le harem comme une oasis de plaisirs et d'abondance légitimement destinée au sultan qui sommeille en chacun d'eux…