Ce sont les Indiens aymaras qui semblent l'avoir cultivée les premiers, suivis des Incas qui lui donnèrent la sympathique appellation de Papa. Elle poussait alors dans les plaines irriguées du lac Titicaca et ce sont les fientes d'oiseaux marins qui engraissaient les sols portant sa culture.
C'est vers 1570 qu'un certain Pedro de Cieza, ami de Pizarro, se décida à envoyer des tubercules à Philippe II d'Espagne. Ce dernier les achemina au souverain pontife qui, à son tour, les expédia à des intermédiaires, jusqu'à ce que ces échantillons finissent dans le laboratoire du botaniste français Charles de Lécluse.
Ravi par son goût, qu'il apparentait à celui du navet, de Lécluse convainquit l'Allemagne, la Suisse et l'est de la France de la cultiver.
Alors qu'elle poussait désormais en Lorraine, on utilisait surtout la pomme de terre pour alimenter les bêtes. C'est qu'elle n'avait pas bonne réputation, notre amie la pomme de terre. En plus de ressembler à certaines racines, que l'on prétendait maléfiques, telles la Belladone ou la mandragore, elle présentait également certaines propriétés toxiques.
Par ailleurs, certains paysans rustres commirent l'erreur de la manger crue et enrobée de sa peau, ce qui leur donna des problèmes gastriques graves. On pensa alors que le tubercule était porteur de la lèpre. Décidément, rien ne venait promouvoir les vertus de la pomme de terre.
En 1763 toutefois, le jeune Antoine Augustin Parmentier se lança dans une propagande extraordinaire afin de mousser le caractère nutritif de la patate. Ayant survécu à la guerre de Sept ans grâce à la pomme de terre, cet apothicaire de formation fit de la pomme de terre sa cause sociale (et gastronomique...).
Malgré un essai (Examen chimique des pommes de terre) qui lui valut un prix ainsi qu'une thèse reconnue qui le consacra spécialiste ès pommes de terre, Parmentier peinait toujours à faire valoir les bienfaits nutritionnels de sa protégée.
Il joua donc le tout pour le tout en usant d'un subterfuge assez simple pour que la pomme de terre suscite l'envie : l'interdit !