Longtemps, hommes et femmes partaient, leur panier à la main, faire la tournée des marchands pour se procurer les denrées de la journée. Cette opération, pouvait alors s'avérer longue, compte tenu des distances entre chaque commerce et en raison des affinités et bavardages entretenus ici et là. Bref, la cueillette des provisions participait d'une activité sociale autant que d'une nécessité alimentaire. Mais dès les années 1920-1930, les Américains allaient jeter de nouvelles bases dans la manière de quérir les aliments et produits ménagers, causant ainsi un véritable effet domino dans le monde entier… Le premier supermarché mondial est né grâce à l'Américain Michael J. Cullen (1884-1936) qui lança, en 1930, son King Kullen à New York.
Lorsque dix-neuf ans plus tard, Édouard Leclerc décide de métamorphoser sa petite épicerie en magasin grande surface, c'est la révolution dans l'univers de Landerneau en Bretagne. Ce que l'on ignore alors c'est que cette nouvelle approche dans le ravitaillement alimentaire va bouleverser les habitudes de vie de millions de Français. Dorénavant, rien ne sera plus pareil. Les ménagères, principales responsables de l'alimentation familiale, font leur entrée aux rayons de l'abondance. Le magasin Leclerc, dix fois plus grand que les commerces classiques, offre, en plus d'aliments, une gamme de produits en tout genre, pourvus de rabais allant de 20 à 35 % moins chers que chez les autres marchands. Ce nouveau concept change radicalement le planning journalier des citoyens. Finie la petite balade d'un étal à l'autre, on peut désormais réunir tout le nécessaire en un temps record et à des prix bien en deçà de ce que l'on devrait payer normalement.
Ce sont les Anglais cependant qui appliquent les premiers le principe du supermarché alimentaire en Europe, en 1951 dans la capitale londonienne, avec une grande surface dont l'enseigne est Premier. Les Suisses emboîtent le pas, l'année suivante, avec leur Marché Migros, à Bâle. En 1955, les Pays-Bas enchaînent avec une grande surface à Rotterdam, suivis des Italiens à Milan et des Belges à Bruxelles en 1957. Les Espagnols y arrivent quant à eux sous le régime franquiste en 1958, dans la ville de Madrid.
En octobre 1958, c'est au tour des Goulet-Turpin d'ouvrir à Rueil-Malmaison ce qui est considéré, à ce jour, comme le premier supermarché de France. Il s'agit alors d'un magasin à grande surface mais spécialisé dans l'alimentation : l'Express-Marché. Trois ans plus tard, devant la popularité du concept, Gérard Mulliez (1931- ) lance un premier magasin sous l'enseigne Auchan, à Roubaix. Situé dans une ancienne usine, la superficie de l'endroit atteint alors 560 m². Mais ce n'est que le début d'une série de marchés qui rivaliseront d'ambition en couvrant des surfaces toujours un peu plus vastes.
Bientôt, les citoyens réalisent tout le potentiel de ce concept : gain de temps et d'argent, diversité des produits, proximité, etc. Toutefois, l'avènement du libre-service est un véritable choc culturel et ne fait pas l'unanimité. Pour certains, la possibilité de choisir de façon autonome est tout simplement géniale. Pour d'autres, le fait de ne plus avoir d'intermédiaire entre le client et le produit est symptomatique d'une société galopant vers l'individualisme. Il n'est pas rare de voir des empilements de denrées sur des palettes exposées ici et là, ce qui indigne certains consommateurs qui y voient un manque total de savoir-vivre, une entorse à l'étiquette.