Beauté physique certes, mais encore… Charme, vivacité de l'esprit, force de caractère, prestance, port altier, tenue vestimentaire, flamboiement ont également compté pour beaucoup dans la construction de ces nombreux idéaux féminins à travers les siècles. Reines et femmes de légendes, elles furent des modèles que les hommes adulèrent ensuite. Ces femmes éclatantes, dont le rayonnement était souvent fabuleux, excitaient l'admiration et le désir des plus magnanimes tout en suscitant la haine et le mépris de ceux qui ne pouvaient tolérer une telle concurrence.
Depuis les fameuses Amazones qui firent rêver les hommes les plus courageux jusqu'aux princesses fantasmées des royaumes lointains, les représentations féminines ont d'abord et avant tout répondu à l'impératif du désir masculin, jamais à un besoin d'identification collectif de la part des femmes. Or ces modèles se sont inscrits dans l'Histoire pour rappeler aux uns les dangers de succomber à leur séduction et pour conditionner les autres à rester dans le droit chemin. Mais à l'aube du 20e siècle, une armada d'intrépides égéries impose des standards féminins totalement nouveaux. Les Colette (1873-1954), Liane de Pougy (1869-1950), Natalie Clifford Barney (1875-1972), Polaire (1874-1939) sont ces aventurières de la Belle Époque qui renversent tous les stéréotypes féminins du temps. Puis, une certaine Coco Chanel (1883-1971) finira de troubler cet ordre ancestral pour restituer aux femmes le droit de se créer un idéal selon leurs véritables désirs ; c'est l'émancipation d'une représentation sociale obligée.
On ne saurait évoquer l'idéal féminin sans faire allusion aux premiers cultes féminins de l'Histoire. Sur les sites de Catal Höyük et Hacelar, en Turquie actuelle, on a retrouvé de nombreuses représentations de déesses datant du 6e millénaire av. J.-C. qui attestent de l'existence d'une vénération de l'image féminine essentiellement axée sur la fécondité. La femme idéale du Néolithique est par conséquent la figure maternelle au sens large.
Plus tard, la sédentarité et la construction de civilisations organisées modifient cette image. Un glissement s'opère doucement vers la femme perfide, dont la beauté tentatrice perd les hommes. Pandore dans la mythologie grecque, Ève dans la doctrine judéo-chrétienne, personnifient admirablement bien cette enjôleuse, rusée séductrice, irrésistible beauté, capable de pousser le mâle à commettre mille péchés. La magnificence et l'attraction féminine sont telles que les plus grands guerriers mettent des contrées entières à feu et à sang pour l'une de ces créatures : l'enlèvement d'Hélène de Troie par Pâris, à l'origine d'une guerre de plus dix ans, en reste l'exemple le plus célèbre… La femme idéale se hisse dès lors au rang de la plus précieuse des conquêtes !
En Égypte, c'est Néfertiti (v.1370-1333 av. J.-C.) que l'on célèbre à cause de sa beauté exceptionnelle. Un visage fin, sublime, une intelligence et une fierté au service d'un tempérament triomphant… Néfertiti est alors l'idéal de la femme égyptienne. Son influence politique tend à révéler que la femme d'alors peut aussi prendre des décisions capitales pour l'avenir du pays. La femme idéale n'est plus uniquement que sujet de splendeur, elle peut aussi endosser le rôle de chef.
En s'approchant des contrées arabiques, c'est la mystérieuse Reine de Saba qui laisse dans le sillage de ses pas une renommée incroyable. Magicienne et tentatrice, sublime séductrice, d'une rare intelligence, elle aurait régné sur les terres de Saba, situées entre l'Éthiopie et le Yémen modernes, et conquis le cœur du roi Salomon grâce à des énigmes complexes et à sa légendaire beauté. Évoquée dans la Bible, le Coran et plusieurs récits coptes, on mentionne aussi son nom dans quelques rituels maçonniques. Quoique sa légende en ait fait un modèle féminin respecté, rien n'atteste toutefois de l'existence de cette reine. Les historiens croient plutôt à l'allégorie d'une conversion, la reine de Saba dédaignant son prestige, sa richesse et ses croyances pour adhérer au culte du Dieu unique de Salomon. C'est alors que le summum du modèle féminin devient sagesse.