Shéhérazade, fille du grand vizir, voyant la cruauté du roi Shahriyar, qui sacrifie chaque matin sa nouvelle épouse de la veille, décide de sauver les jeunes femmes du royaume en épousant elle-même le souverain. Afin de survivre assez longtemps au châtiment habituel, elle s'engage, chaque nuit, dans une narration complexe qui laisse inachevés plusieurs récits.
C'est ainsi qu'elle gagne du temps pour sa propre vie, et qu'elle épargne celle de milliers d'autres potentielles victimes.
Son ingénieuse dynamique narrative a créé de nouveaux repères dans l'art du récit.
L'origine des Mille et une Nuits reste encore un peu trouble. Selon la version la plus probable, il s'agirait de récits issus d'un livre persan, datant du 8e siècle, intitulé : les Mille contes (Hezar Efsane), qui lui-même serait une adaptation d'histoires indiennes.
Les historiens croient toutefois que le recueil original est sans doute le fruit de plusieurs contes oraux, lesquels auraient circulé d'une contrée à une autre du monde antique, avant de se retrouver répertoriés dans un même recueil.
Il faut savoir que les nombreux contes qui composent le recueil ont connu une évolution constante entre le 8e et le 18e siècle. Plusieurs auteurs en ont remanié les versions, en fonction du pays ou du contexte politique dans lequel ils vivaient.
On compte plus de soixante-dix éditions différentes en arabe, versions qui diffèrent non seulement dans la narration, mais aussi dans le contenu final.
Une première traduction française se fait sous la plume d'un certain Antoine Galland, en 1704. Cette édition comporte soixante-dix histoires anciennes, puisées dans un manuscrit arabe, ainsi que des contes oraux que Galland transcrit sous la dictée d'un moine syrien appelé Hanna.
C'est grâce à cette récupération de la tradition orale que des personnages célèbres tels Aladin, Ali-Baba, Sinbad, etc., viennent s'ajouter aux récits fantastiques qui peuplent déjà le recueil.
Des traductions en anglais, en allemand, en italien, en hollandais, en russe, en danois voient alors le jour et des auteurs de partout en Europe produisent de nouvelles versions tout au long du 19e siècle.
***En 1900, le docteur Joseph Charles Mardrus présente une version qui attirera l'admiration d'une bonne partie de l'élite intellectuelle européenne : Le livre des Mille et une Nuits.
De facture très personnelle, embellie d'images fascinantes, érotisée par un imaginaire d'une sensualité extraordinaire, Mardrus impose sa version comme le référent le plus artistiquement acceptable.
Son oeuvre ouvrira la porte d'une production dérivée absolument fabuleuse. Ce sera la folie des Mille et une Nuits, inspirante et mythique. Naîtront de cet engouement des sculptures, des peintures, des récits, des poèmes, des pièces de théâtre. Non seulement on met en scène les Mille et une Nuits, mais on les habite également.
Elles deviennent le support de mille et un fantasmes.
Au 21e siècle, on remanie toujours, dans les milieux littéraires, l'exceptionnelle matière de création que sont les contes des Mille et une Nuits.
La dernière traduction digne d'intérêt est celle, plus moderne et plus complète, présentée en 1984 par René Khawam. Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel et publiée chez Gallimard, La Pléiade, en 2005.
Gageons que ces contes merveilleux sont loin d'avoir épuisé tout leur potentiel d'imaginaire...