C'est la naissance d'un rituel social. Parvenu à l'Antiquité, l'être humain, de plus en plus raffiné dans sa façon de se nourrir, présente ses repas sur des plats de service en céramique, en terre cuite, en faïence, etc.
Céramistes et artistes en poterie créent différents contenants destinés à conserver ou à servir les aliments. Cette tradition se perpétue ensuite dans la culture romaine, qui y ajoute le plaisir de manger allongé sur des tricliniums, ces couchettes à trois places si prisées des citoyens romains fortunés.
Évidemment, chez les paysans et la populace, le luxe de tables sur lesquelles l'on dépose des denrées, comme cela est d'usage depuis des siècles dans les grandes civilisations (Égypte, Grèce, Rome, Babylone, etc.) n'a pas cours.
Le peuple cuit dans des marmites grossières ou à la broche et pose la nourriture sur des peaux de bêtes à même le sol.
Un peu plus tard, après la chute de l'Empire romain (476 apr. J.-C.), des tables creusées apparaissent et ces creux dont elles disposent tiennent lieu de gamelles collectives.
Dans les châteaux du Moyen-âge, les seigneurs quant à eux, ne brillent certes pas par leur finesse à table. Les salles de réception dans lesquelles on prend généralement les repas sont meublées de longues planches de bois sises sur de simples tréteaux. Des pièces de vaisselle de céramique apparaissent d'abord, ensuite le verre.
Mais les couverts en restent à leurs premières amorces : couteau personnel pour les hommes de la noblesse, souvent porté à la ceinture de l'intéressé, et fourche pour véhiculer les aliments du plat de service à la planche du mangeur.
Souvent, un dressoir sert à ranger les pièces de vaisselle ou ustensiles utilisés lors des festins.
On remarque également que de grandes nappes recouvrent les tables tout en faisant office de serviette commune pour s'essuyer les mains et la bouche. Car la noblesse de l'époque se gave allègrement en se servant de ses doigts. Les convives prennent place sur un banc, entassés d'un même côté tandis que les plats s'alignent devant eux sur la face opposée.
Chez les pauvres, on dispose de cuillères et d'écuelles de bois, les couteaux grossiers servant à dépecer les aliments de manière générale.
En Italie cependant, dès le 11e siècle, l'épouse du doge Domenico Silvio, que ses contemporains jugent alors scandaleuse, invente la fourchette, c'est-à-dire une petite fourche en or, ne comportant que deux dents, et servant à introduire la nourriture avec grâce dans sa bouche.
En France, il faut attendre la Renaissance et la délicatesse à table de Catherine de Médicis (1519-1589) pour que les règles de la bienséance commencent à se raffiner autour de l'acte de manger. Instigatrice de l'usage de la fourchette (1533), la reine Catherine apparaît comme une originale lorsqu'elle en lance la mode.
Les courtisans se désespèrent à utiliser l'ustensile de peur de se massacrer la bouche. Henri III (1551-1589), parvenu au pouvoir en 1575, insiste pour qu'une étiquette se mette en place à table et impose la fourchette. Mais l'impopularité que lui valent ses manières efféminées ne sert en rien l'usage de l'ustensile.
C'est finalement au port de la fraise, mode qui persuadera bientôt la noblesse de l'utilité de cette petite fourche permettant de ne point souiller la fameuse collerette, que la fourchette obtient son statut de couvert désormais essentiel.